Bart et Duguay-Trouin. Le maréchal de Créqui punissait le duc de Lorraine, Charles IV, de sa versatilité. La province est conquise au milieu d’une paix profonde, et la France, en se saisissant d’une province frontière, coupe toute communication entre la Franche-Comté et les Pays-Bas. C’était beaucoup déjà, ce n’était pas tout encore. Il fallait détacher le roi d’Angleterre, Charles II, de l’alliance hollandaise nouée par le chevalier Temple. C’est la duchesse d’Orléans, sa sœur, la jeune et belle Henriette, qui se charge des négociations. Son voyage fut une promenade triomphale. La cour de Charles II était la plus galante et la plus dissolue du monde ; il eut de l’or à flots pour payer ses fêtes et ses maîtresses. L’habileté de Colbert, de Croissy et l’influence d’Henriette l’emportèrent sur les véritables intérêts de la politique anglaise, et par trois traités successifs, le roi Charles II promet cinquante gros vaisseaux et six mille hommes pour la guerre continentale. Il aura, lui, trois millions par an, et la nation quelques-unes des îles hollandaises. La Suède est ramenée à prix d’argent, et du côté de l’Allemagne, Louis XIV conclut des traités de neutralité ou de ligue offensive avec les évêques d’Osnabruck et de Munster, l’électeur de Cologne et le duc de Brunswick-Lunebourg.
L’infatigable activité de Louvois, qui ne laissait pas d’être un grand ministre, malgré ses défauts, avait porté l’armée à cent quatre-vingt mille hommes ; on ne l’avait jamais vue si forte et si bien organisée ; il l’avait pourvue d’un formidable instrument de mort, la baïonnette, et la discipline la plus sévère régnait parmi les troupes. Quant aux généraux, c’étaient les mêmes qui, en 1668, avaient conquis toute la Flandre espagnole en deux mois : Créqui, Turenne, Condé, Grammont, Luxembourg. Colbert avait porté le nombre des vaisseaux de haut bord à cent ; le magnifique bassin de Brest était creusé, et l’habile ministre avait créé quatre autres arsenaux de