Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/512

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quatre soldats que les mêmes ardeurs dévoraient à des degrés différents. Ils regardaient du côté de l’horizon, tout prêts, sans se l’être dit, à rompre leurs liens. Suzanne et Claudine pressentaient leurs résolutions, sans que Belle-Rose et Cornélius se fussent ouverts à elles. Elles se communiquaient leurs inquiétudes, et, ne pouvant ni prévoir ni empêcher les événements, elles attendaient. Une dernière visite de M. de Pomereux précipita le dénoûment. On était alors à la fin du mois d’avril 1672.

– Les équipages du prince de Condé sont prêts, dit-il un matin ; avant trois jours sa maison partira pour la Flandre.

Tout le sang de Belle-Rose lui vint aux joues à ces paroles.

– Ainsi, vous le suivez ? dit-il.

– Jusqu’à La Haye, s’il veut.

Belle-Rose rencontra les yeux de la Déroute qui luisaient comme des charbons ardents.

– La cour est prévenue, reprit le comte ; le roi quittera Saint-Germain le 27 du mois ; déjà les fourgons sont en route, les relais préparés, et les mousquetaires ont pris les devants. Le rendez-vous est à Charleroi.

– À Charleroi ! s’écria la Déroute, dont tous les souvenirs se réveillèrent à ce nom.

– Je voudrais vous y voir, Belle-Rose, continua M. de Pomereux ; la campagne promet d’être belle, elle me le semblerait plus encore si nous la faisions ensemble.

Belle-Rose lui serra la main sans répondre, mais d’une si rude manière que le comte ne douta pas un instant que le capitaine n’eût pris une résolution extrême.

– Si vous avez besoin de moi, ajouta-t-il avec un sourire significatif, vous me trouverez jusqu’à demain à Chantilly.

Quand M. de Pomereux eut quitté l’abbaye, Belle-Rose se tourna vers la Déroute, qui se mordait les lèvres pour ne pas parler.