– Eh bien ? s’écria le ministre aussitôt que la porte se fut refermée.
– Eh bien ! nous sommes vaincus, monseigneur, dit M. de Charny.
– Colonel et vicomte au titre de Malzonvilliers ! Tous les honneurs ensemble ! À lui, à Belle-Rose, un grade et des lettres de noblesse !
M. de Louvois frémissait de la tête aux pieds, et ses lèvres étaient toutes blanches.
– Pourquoi l’avez-vous laissé fuir ? s’écria-t-il tout à coup avec violence.
– Cet homme est une anguille, vous le savez, monseigneur, répondit M. de Charny. Je l’ai fait chercher à Paris, aux environs, partout ; il avait disparu sans laisser de trace. Quant à l’armée, c’est un océan.
– Il m’a bravé en face, je l’ai tenu en mon pouvoir, et il m’échappe. Elle aussi, tous deux ensemble !
– La marquise, dont le bon plaisir du roi fait une vicomtesse, n’est-elle pas toujours à Sainte-Claire d’Ennery ?
– Fût-elle au milieu de la place Royale, l’autorité du roi la protège !
– Oh ! il y a le chapitre des accidents, reprit M. de Charny.
M. de Louvois frissonna ; la manière dont son confident avait prononcé ces paroles leur donnait un sens clair et terrible.
– Certes, je ne peux rien contre le hasard, dit le ministre à demi-voix.
Un sourire sinistre éclaira le visage de M. de Charny.
– C’est une puissance aveugle, reprit le confident, et vous êtes un ministre clairvoyant.
– Vicomte de Malzonvilliers ! murmura M. de Louvois ; colonel ! maître à présent de la faveur de la cour !… Voilà bien l’écriture du roi Louis. Il veut le pousser et se charge de sa fortune.