Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/551

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– Mais, dame ! puisque c’est un peu mon métier d’y aller et d’en revenir.

– Tu vas donc y porter cette corbeille avec cette lettre, et le plus vite que tu pourras.

– Ce n’est pas difficile ; la distance est courte et j’ai les jambes longues.

– Si on t’interroge, tu répondras que la corbeille et la lettre ont été apportées par un valet dont le cheval s’est abattu devant ta porte.

– Très bien.

– Je t’ai promis deux écus de six livres…

– J’ai compris trois, interrompit le drôle.

– Tu en auras quatre si tu es de retour dans un quart d’heure.

– J’y cours.

En huit ou dix minutes le gars, qui avait coupé à travers champs, atteignit la porte de l’abbaye. Au coup de cloche la sœur tourière ouvrit, le paysan remit la corbeille et la lettre, qui étaient toutes deux à l’adresse de Suzanne, et comme on avait l’habitude de le voir, il partit sans être questionné. Au bout d’un quart d’heure, M. de Charny le vit revenir.

– C’est fait, s’écria le jeune gars.

– Voilà ton argent, répondit M. de Charny, dont les yeux brillaient de joie.

Il remonta dans son carrosse et reprit la route de Paris. Comme il arrivait à Franconville, la Déroute, lancé à toute bride, passa comme un flèche à côté du carrosse. M. de Charny se pencha à la portière, suivant de l’œil le tourbillon de poussière qui volait sous les pieds du cheval.

– Il arrivera trop tard cette fois, murmura-t-il quand il l’eut perdu de vue.

La Déroute obéissait aveuglément à la secrète influence qui le poussait ; la rapidité de sa course, au lieu de diminuer son ardeur, l’augmentait. Il allait passer