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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/57

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riant ; qu’il est bon et qu’il se donne du mal pour paraître méchant !

Ce jour-là, Belle-Rose étudia la théorie du carré de l’hypoténuse, et prit, sur le papier, un vigoureux bastion défendu par une lunette. Quelquefois l’image de Suzanne venait embrouiller les angles, et le souvenir des promenades dans le jardin faisait manquer l’effet d’un chemin couvert ; mais Belle-Rose rattrapait le calcul et le siège, en se disant que chaque chiffre et chaque assaut le rapprochaient de son amante. Un beau jour, vers midi, comme il sortait de sa chambrette, mêlant dans son esprit l’amour aux mathématiques, un soldat le heurta vivement dans l’escalier.

– Au diable le maladroit ! s’écria le soldat.

– Il me semble que c’est vous qui m’avez poussé, dit Belle-Rose ; je passais à droite, vous montiez à gauche, et vous vous êtes jeté sur moi. Lequel est le maladroit, s’il vous plaît ?

– Tiens ! je crois qu’il raisonne ! T’aviserais-tu de me contredire, par hasard, mauvais blanc-bec ?

– En effet, j’ai eu tort, ce n’est pas maladroit que j’aurais dû dire, c’est insolent.

Le soldat leva la main, mais Belle-Rose la saisit en l’air, et sautant à la gorge de son adversaire, il le précipita rudement sur l’escalier. Au bruit de cette lutte, quelques sapeurs accoururent, et voyant ce qui se passait s’élancèrent sur les combattants pour les séparer. Il était temps ; Belle-Rose avait appuyé un genou sur la poitrine du soldat, qui râlait sous son étreinte furieuse.

– Tu vas me suivre ; un homme qui a la main si forte doit savoir tenir une épée, dit le soldat après qu’il se fut relevé.

Pour toute réponse, Belle-Rose lui fit signe de marcher. On sortit de la ville sans bruit et on s’arrêta dans la campagne, derrière un vieux cimetière, où personne ne passait. Les adversaires mirent habit bas, et, tirant l’épée, commencèrent à ferrailler. Le soldat, qui était un canonnier