Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/70

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fit le tour de la chapelle ; devant elle s’ouvrait la foule ; à l’écartement qui se fit autour de lui, Belle-Rose comprit que Suzanne s’avançait. Il se redressa. Un pilier, contre lequel il était adossé, l’empêchait de reculer. Les mariés s’approchaient lentement ; les longs voiles de Suzanne traînaient jusqu’à terre, et sa virginale beauté éclatait sous leur transparence. La nef était étroite : un pan de la robe de son amante frôla Belle-Rose ; un soupir entr’ouvrit ses lèvres et il s’appuya contre le pilier. Suzanne releva son front incliné. Près d’elle, et dans la pénombre de la chapelle, elle entrevit un pâle visage où flamboyaient deux yeux remplis des flammes sinistres du désespoir. Suzanne chancela. Mais avant que le cri sorti de son âme vînt expirer sur sa bouche, le cortège l’avait poussée en avant, et, quand elle se retourna, Belle-Rose s’était évanoui comme une apparition. Un rempart vivant les séparait. Mais tandis que la foule pressait de ses mille pieds le sacré parvis, Belle-Rose sentait son cœur et sa raison s’égarer. Il ne pensait pas, il ne rêvait pas, il ne souffrait pas : il était anéanti. Il restait immobile, le dos appuyé contre le pilier, les bras pendants le long du corps, la tête inclinée sur la poitrine, et n’entendant plus rien que les battements sourds de son cœur. La foule s’était depuis longtemps répandue hors de la chapelle. La blanche image de Suzanne l’emplissait seule pour lui.

En ce moment, le bedeau passa, faisant sa ronde. Voyant un homme seul, debout contre un pilier, il vint à lui, et frappant sur son épaule :

– Eh ! l’ami, dit-il, il y a déjà longtemps que les noces sont faites : laissez-moi donc fermer les portes.

Belle-Rose leva la tête et regarda le bedeau. À cet aspect, le pauvre homme fut tout troublé. De grosses larmes tombaient des yeux du soldat et mouillaient ses joues décolorées.

– Diable ! reprit l’autre, si vous êtes malade, il faut le dire.