Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/91

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– Monsieur de Villebrais, dit-il, cette belle enfant est ma sœur.

– Ta sœur ? Parole d’honneur, c’est charmant ! Tu es fort spirituel, Belle-Rose.

– Mon lieutenant !

– Ta sœur ? Est-ce qu’on se promène avec sa sœur ! J’ai une sœur aussi, elle est au couvent, mon cher.

– Monsieur de Villebrais, je vous ai dit la vérité ; Claudine…

– Ah ! elle s’appelle Claudine, ta cousine ou ta maîtresse ; l’une et l’autre peut-être… C’est un joli nom, tout à fait dans le goût pastoral. Dites donc, ma charmante, si vous voulez de mon cœur, je vous l’offre, il est vacant pour vingt-quatre heures.

Belle-Rose barra le passage au chevalier de Villebrais ; mais il n’y avait pas de raison à faire entendre à un homme qui avait trop déjeuné, et qui, tout débraillé, laissait voir une chemise tachée de vin. Se tournant donc vers le cocher, qui regardait philosophiquement le débat, il lui cria vivement de tourner bride vers Paris. Le chevalier jeta tout de suite une bourse aux pieds du cocher.

– Compte cet argent, maraud, lui dit-il, et quand tu auras fini, siffle tes plus beaux airs.

Le cocher ramassa la bourse, s’assit sur une borne et se mit en devoir de compter. Il n’était pas au troisième écu qu’il sifflait de toutes ses forces. Claudine, égarée, regardait tour à tour le cocher, son frère et le chevalier.

– Ce cocher est plein d’intelligence, reprit M. de Villebrais en se rajustant. Ne sois pas moins aimable que lui, mon ami ; ta maîtresse est jolie, elle me plaît ; voilà trois ou quatre heures que tu la promènes. Chacun son tour ; ôte-toi de là.

Belle-Rose regarda M. de Villebrais. Le chevalier était fort animé, mais ferme encore sur ses jambes, la voix était nette et claire, le geste aisé ; le sergent n’avait