Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/123

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— Écoute, continua Renaud, je connais les habitudes de la maison. Demain, vers midi, on t’apportera une poignée de lentilles délayées dans un peu d’eau. Le médecin, ton ami, te prouvera que tu n’as pas mal dormi, et vous pourrez déjeuner ensemble. Maintenant, n’oublie pas ceci : j’ai le doux espoir de te rencontrer encore, aimable seigneur ; mais, ce jour-là, tu seras pendu si bel et si bien, non par les aisselles, mais par le cou, que ta dernière grimace épouvantera le monde.

Mathéus Orlscopp lié, bâillonné et suspendu, Magnus ferma la porte, et toute la troupe rentra dans l’appartement qu’elle venait de traverser. Chemin faisant, Carquefou, qui avait l’œil à tout, fit passer dans sa poche une bourse d’une assez belle taille, et ronde à plaisir, qu’il avait vue sur une table.

— C’était une orpheline, offrons-lui un asile, dit-il.

Interrogé du regard par Renaud :

— Monsieur le marquis, reprit-il, il ne faut point laisser de munitions de guerre à l’ennemi. Les règles de la plus vulgaire prudence le commandent.

Tout en parlant, il enveloppait son maître d’un vêtement qui avait appartenu à Mathéus.

— Quelle cruauté du sort ! reprit-il, se cacher sous la peau d’un misérable loup !

Renaud pâlit tout à coup et chancela. Au même instant, une ronde passa dans-la galerie, et on cogna à la porte.

— Qu’est-ce ? demanda Magnus d’une voix sourde.

— Le médecin fait demander à Votre Seigneurie s’il ne serait pas opportun de rendre visite au prisonnier, répondit l’homme qui avait frappé ; il pourrait se faire qu’il vînt à trépasser dans la nuit, et ce serait dommage.

— Le prisonnier a la vie dure, répondit Carquefou, qui soutenait