Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/146

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— Entrez, madame, dit-il, ce palais est à vous.

C’était un premier succès. Mme d’Igomer se réservait d’en obtenir d’autres. Bientôt elle sut intéresser le duc de Friedland à des malheurs imaginaires qui lui donnaient l’occasion de verser des larmes dont sa beauté se parait ; la pitié se mêla au sentiment spontané de séduction dont son hôte subissait l’empire, et un long temps ne s’écoula pas sans que chambellans et majordomes, écuyers et pages, tout un peuple de gentilshommes et de capitaines n’apprît à compter avec le nouvel astre qui brillait sur Prague.

Parmi toutes les personnes qui composaient l’entourage de Wallenstein, une seule était vraiment à redouter : c’était l’Italien Seni, qui consultait les astres au profit du feld-maréchal ; mais Thécla perça du premier coup d’œil l’homme à qui elle avait affaire. Elle manda un soir l’astrologue chez elle, et, lui montrant sur un meuble un écrin où resplendissait un joyau de prix suspendu à une chaîne d’or :

— Voilà un tribut que mon sexe paye à votre science, dit-elle ? j’ose espérer qu’elle ne me sera pas défavorable et que les planètes soumises à vos lois m’accorderont une part de l’amitié que je vous demande.

L’astrologue ne pouvait pas se méprendre à la signification du sourire qui accompagnait ces paroles et du regard que la baronne lui jeta.

— Qu’avez-vous à craindre des planètes qui me confient leurs secrets ? répondit Seni. Vous ne brillez pas moins que Vénus, et les étoiles sont vos sœurs.

— Voilà ce qu’il faudra dire quelquefois à S. A. le duc de Friedland ; je ne manquerai pas de lui jurer que vous ne vous trompez jamais.

Le soir même, la conjonction de Mars et de Jupiter démontrait au feld-maréchal Wallenstein que l’arrivée de Mme