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Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/157

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pour les âmes tendres que celui d’être méconnues !

Ses pleurs redoublèrent, et Wallenstein lui arracha enfin le secret de ses muettes afflictions.

— Vous savez, dit-elle, si j’aime Mlle de Pardaillan et Mlle de Souvigny, Mlle de Pardaillan surtout ; vous savez dans quels termes je vous en ai parlé ! Que n’eussé-je pas fait pour assurer leur bonheur ! Ah ! mon désir de les rendre heureuses m’eût poussée à vous supplier même de les renvoyer à la cour du roi de Suède, si les lois de la guerre ne nous faisaient pas un devoir de les retenir. Elles sont un gage, et peut-être peut-on espérer que leur présence ici détachera du parti de Gustave-Adolphe un seigneur que son expérience ferait admettre avec honneur dans les conseils de l’empereur.

Le duc de Friedland baisa la main de Mme d’Igomer.

— Vous parlez comme un politique, dit-il ; votre bouche a donc tous les instincts comme elle a toutes les grâces ?

— C’est le sentiment de votre intérêt qui m’inspire, reprit Thécla. Je me suis donc vaincue par respect pour ce devoir impérieux, mais j’ai voulu tout au moins leur rendre agréable le séjour de votre palais ; je leur ai tout prodigué. Je ne parle pas de ma tendresse, elle leur était acquise, et rien ne l’a pu changer. Mais, hélas ! rien n’a pu fondre non plus cette glace qui nous sépare… Ajustements choisis parmi ceux qui pouvaient leur plaire et dont je me dépouillais, caresses, distractions inventées pour elles seules, prévenances, supplications, elles ont tout repoussé.

Mme d’Igomer porta ses deux mains mignonnes et blanches à ses yeux ; le duc de Friedland les écarta.

— Et vous pleurez encore !… et vous n’abandonnez pas ces indignes créatures !… dit-il.

— Ah ! je les aime ! Et puis, une autre pensée me soutient. Me comprendrez-vous, mon cher duc, quand je vous dirai