Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/196

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— Si je meurs, ce qui est probable, murmurait Carquefou, je ne voudrais pas mourir par un temps semblable et dans un tel paysage, j’aurais trop froid.

Et il roulait autour de ses flancs le manteau que la bise secouait.

Le brouillard courait sur la bruyère ; des bandes de corbeaux en rayaient la masse grise d’un vol sinistre et lourd.

Un cavalier passa comme un fantôme sur la route, puis un autre, puis un troisième ; et tous trois se réunirent en avant de manière à ne former qu’un seul groupe.

Ils précédaient M. de la Guerche et Renaud d’une centaine de pas.

Magnus jeta les yeux sur l’extrémité d’une gorge que leur petite troupe venait de traverser.

Il aperçut au loin, presque effacés dans la brume, trois cavaliers qui marchaient au pas.

« Six en tout, pensa-t-il, ce n’est rien encore. »

Cependant il dégagea son bras droit et s’assura que ses pistolets jouaient librement dans leurs fontes.

Presque aussitôt, Rudiger, qui venait d’en faire autant et qui regardait de côté et d’autre, remarqua sur la droite, dans la plaine, où rampait un taillis bas, trois autres cavaliers dont la tête et les épaules saillaient du milieu des branches.

— Neuf, dit-il en les désignant à son voisin.

Magnus tourna rapidement les yeux du côté d’un bois qui s’étendait sur la gauche et dont leur petite troupe côtoyait la lisière.

L’obscurité s’y faisait plus noire ; cependant, parmi les troncs pâles des bouleaux, il distingua trois ombres qui se glissaient dans l’épaisseur muette du bois.

« Hum ! ça fait douze, pensa-t-il. »

Cette fois il renouvela l’amorce des pistolets, et, tirant l’épée