Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/303

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et de ne rien entendre, Jean de Werth conduisit une reconnaissance jusqu’à l’abatis.

Aucune balle ne partit du milieu des branches.

Le capitaine, qui se connaissait en stratagèmes, craignit une embûche, il fit ranger sa troupe derrière un pli de terrain et commanda aux batteries de redoubler leurs feux.

Dans le village, même silence et même immobilité.

Quelques partisans plus hardis escaladèrent un mur autour duquel la veille bon nombre de leurs camarades avaient trouvé la mort, et s’aventurèrent jusqu’aux abords des positions qu’ils n’avaient jamais pu franchir.

Mme d’Igomer, qui les vit tout à coup s’éparpiller comme une volée d’oiseaux pillards derrière l’abatis qui masquait l’entrée du village, lança son cheval, qui frémissait d’impatience, et, sautant par-dessus les obstacles, arriva en quelques bonds au milieu d’eux.

La grand-rue si longtemps et si héroïquement défendue par les dragons, s’ouvrait devant elle. Quelques femmes s’y promenaient, puisant de l’eau aux fontaines.

En une seconde, elle eut atteint les limites du village. Partout des flaques de sang, partout des monticules de terre fraîchement remuée, nulle part de soldats.

Au loin, la route était déserte.

— Mais où sont-ils donc ? s’écria-t-elle, tourmentée par une rage intérieure qui la rendait folle.

Il y avait alors deux ou trois heures déjà que le garde était rentré dans sa cabane.

Jean de Werth avait suivi Mme d’Igomer à la tête d’un régiment.

— Comprenez-vous rien à cela ? lui dit sa compagne ; je vous dis que Satan les protège !

Mais Jean de Werth ne croyait pas à ces mystérieuses protections.