Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/306

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l’esprit ; alors, un frisson la prenait, et elle ne songeait plus qu’à retrouver leurs traces, à les atteindre et à les punir.

Jean de Werth n’était qu’à demi rassuré par les déclarations du garde. Il avait assez souvent éprouvé quelles ressources incroyables Armand-Louis et Renaud puisaient dans leur énergie, leur courage, leur adresse, pour ne pas redouter qu’ils n’eussent une fois encore brisé les obstacles amoncelés sur leur route. Eussent-ils, en outre, exposé leurs compagnes à une mort presque certaine, s’ils n’avaient pas eu quelque moyen secret de traverser le marais ? Du caractère dont ils étaient, M. de la Guerche et M. de Chaufontaine eussent vingt fois préféré se lancer à cheval au travers des balles et des sabres, en briser le cercle ou tomber morts.

Les pas imprimés sur les bords fangeux de l’immense marais étaient nombreux partout, aussi bien sur la rive droite que sur la rive gauche. Les bestiaux du village et les chevaux de labour avaient coutume de hanter ces parages, dont certaines parties présentaient à leur alimentation des ressources abondantes. Les paysans qu’on interrogeait répondaient vaguement : ceux-ci n’avaient rien vu, ceux-là dormaient ; la plupart, affolés par la terreur, déclarèrent que, depuis que l’attaque du village avait commencé, ils ne quittaient pas leurs maisons dans la crainte des balles. On n’en tirait aucun renseignement précis. Las de questionner, Jean de Werth envoya çà et là des éclaireurs pour reconnaître l’endroit exact où un corps de cavalerie régulière avait pu passer. Leur zèle fut devancé par la colère inquiète et l’impatience fiévreuse de Mme d’Igomer.

Elle aussi parcourait les bords du marais, penchée sur l’encolure du cheval, cherchant un indice qui la mît sur la véritable piste des fugitifs.