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LUC

amphores d’argile rose contenues par les doigts effilés d’un esclave nubien. Il se coiffe lui-même en donnant aux boucles de ses cheveux un agreste désordre ; et ses bras levés se déploient hors les manches de sa tunique suivant le rythme doux et grave d’un marbre antique. La tunique sombre détermine sur ses cuisses claires une ligne mouvante qui en souligne les fermes contours. Il se ceint de la ligature en poils de chameau, revêt le lambeau de toison, se touche les yeux d’un trait de fard bistré, avive ses beaux sourcils d’un peu d’antimoine, colore ses lèvres jolies d’un rouge qui en précise le dessin — et se trouve prêt devant la glace. L’avertisseur grimpe les étages avec sa cloche assourdissante en glapissant :

— En scène pour le « un »… d’une voix impérative, lugubre et traînarde…

Luc descend nu dans son costume fruste et sombre, et fier merveilleusement.

Des habitués, sur son passage, se rangent contre les murs des couloirs étroits ; ils le suivent des yeux et dissimulent leurs regards étonnés en parlant d’autre chose tandis qu’ils frissonnent encore en eux-mêmes de la jeune vision fraîche qui vient de leur arracher en un murmure :

— … Le beau petit gars !…


Et l’hommage de ces inconnus rencontrés à chaque pas, étonnés de sa démarche, émeut délicieusement déjà Lucet. Il sent ces regards qui le portent, le bercent en d’étranges voluptés. Déjà l’angoisse charmante de sentir un peu de lui s’exhaler au dehors