Page:Achille Essebac - Luc.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LUC
131

vera quand même, en rentrant, son couvert mis dans la cuisine bien propre et luisante de partout ; son chocolat qu’il aime prendre froid dans une tasse à fleurettes bleues, toujours la même, sa tasse ; il y aura aussi une tranche de jambon, — sa mère refuse le foie gras qu’il aime bien aussi, parce que c’est trop « lourd » le soir — avec une baguette de gruau « de cinq heures », du vin blanc, des confitures et des a petits-beurre ». Quand il aura « soupé » il rentrera dans sa chambrette gentiment claire, il se déshabillera devant son lit bien blanc dont la « couverture » est faite avec un soin particulier ; sa chemise de nuit sera prête ; le livre nouveau acheté la veille sera sur la table de nuit avec la lampe en veilleuse. S’il n’y a pas de livre nouveau, la petite bibliothèque en acajou contient tout Molière, tout Racine, Corneille, Mussett Hugo, Shakespeare et bien d’autres. La chambre est tendue en papier et cretonne crème et rose, elle donne par deux fenêtres sur le jardinet. Il traversera pour y entrer — ça, ça l’ennuie beaucoup — la chambre de ses parents ; son père ronflera, mais sa mère attend son retour et veut être éveillée pour lui parler, pour savoir s’il est content, comment ça s’est passé, lui faire ses petites recommandations, — chère pauvre femme adorée ! — Elle ne comprend guère le théâtre, cette maman attentive et chérie, mais elle comprend divinement l’amour de son Lucet. Elle subit sa tyrannie avec une douceur tremblante et toute prête à plier davantage encore s’il l’exige. Il est tellement joli ! Elle est femme aussi, elle ; elle s’en aperçoit bien qu’il est joli. Dame ! Elle voit que depuis peu Lucet s’énerve ; elle craint l’étroitesse de leur existence trop