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LUC
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cabochon. C’était, cet anneau, le souvenir d’un soir où Julien avait fait réciter à Lucet devant quelques amis réunis avenue de Villiers, des poèmes de Leconte de l’Isle et de Baudelaire. Le petit Aubry était accompagné en sourdine par d’invisibles instruments à cordes, et l’atelier plongé dans l’obscurité. Des projections dont Julien avait réglé les tonalités, venaient caresser Luc tandis que, nu sous des voiles de crêpe de Chine et de tulle d’une finesse rare, son corps, délicate figurine, s’allégeait dans l’envol des tissus précieux et révélait à chaque geste les nuances tièdes et palpitantes de sa chair…

Et pourtant, Dieu sait s’il acceptait de douce câlineries ! ce grand enfant dont les yeux merveilleux et purs, même dans la grâce troublante de leurs fatigues mauves, fascinaient cet être exquis et ce sensitif qu’était Julien Bréard, si prompt lui-même à subir le charme de son bel ami !

Ce charme inéluctable tous en avaient été envahis dans cette représentation qui, succédant à la première de Marie-de-Magdala, venait de mettre en évidence le talentueux et joli petit comédien. Ce n’étaient dans la salle citron et or vert de l’hôtel de Païennes, qu’étonnements et exclamations ravis. Jamais aucune scène n’avait offert ce spectacle d’une aussi fraîche et véritable jeunesse sous des formes dont la grâce heureuse faisait délirer les regards. Ceux mêmes, inaptes à rien saisir de la beauté d’un poëme, de l’harmonie d’une phrase musicale, plus sensibles aux émotions plastiques, rappelaient que depuis les « Scheffer », ces admirables acrobates dont l’eurythmique apparence s’épanouissait en tous les âges, de l’enfance la