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LUC

mais profondément comme elle se sent l’aimer depuis longtemps. Et elle n’a plus le courage de retenir l’aveu auquel son silence acquiesçait, au-devant duquel va, certaine et compatissante, la tendre assurance de Julien… Il adoucit encore sa voix ; même on l’entend à peine ; et si Jeannine veut, elle peut ne pas comprendre, parce que les mots n’arrivent plus jusqu’à elle dans l’étroit espace où leurs haleines se confondent avec la buée du soir.

… Et puis, certains êtres exercent sur nous, dans la minute actuelle ou avec une intensité durable, une telle action qu’ils nous dirigent véritablement. On ne peut être coupable de les suivre ; à peine est-on imprudent de laisser percer autour de soi le mystère de son abandon à leur influence…

Julien change de ton. Il comprend. Dieu ! comme il comprend, lui ! que Nine se soit abandonnée à ce Lucet !… Et ses paroles vont affectueusement dire ce qu’il sait ; il ose, sentant la prière muette de Nine le lui demander, l’interroger comme interroge le vieux prêtre au confessionnal quand, à treize ans, la première faute du printemps éveillé trouble notre cœur et pèse sur nos lèvres adolescentes qui se veulent, devant Dieu, libérer d’un fardeau, et tremblent de parler…

Julien précise les détails de ce soir, de cette nuit qui trouva Nine inquiète aux abords du temple, troublée du moindre mouvement des choses, en arrêt précisément au bruit léger que fit Julien… car il était là…

L’instant paraît à Julien d’une solennité terrible ; il craint l’audace effroyable de ses paroles qui peuvent