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Page:Achille Essebac - Luc.djvu/47

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LUC

le rebutaient ou ne lui inspiraient qu’un respect dont ses sens aiguise’s n’avaient que faire. Mais un jeune visage et de jeunes yeux !… Dès la rue Saint-Lazare il regarda et vit comme il ne l’avait jamais fait jusqu’alors, soudain acquis à des désirs…

Les femmes en passant le frôlaient. Il avait conscience de la distinction de son habillement auquel sa mère avait présidé. On le regardait à cause aussi de ses yeux très étranges, du triangle impertinent et voluptueux de sa bouche, du velouté caressant de ses joues, et du dessin très pur de son profil. Les femmes, les jeunes filles même le regardaient avec des yeux dont la distraction ignorante cachait mal la science intéressée déjà. Des jeunes gens arrêtaient sur lui des regards curieux dont la fixité le déconcertait. Il lui arriva en se retournant de rencontrer, juste au moment précis où ils se détournaient également vers lui, ces yeux clairs et audacieux…

Quelles communes pensées faisaient agir ces jeunes têtes de concert sous une même impression de beauté, de sympathie, de… Luc ne savait pas. Mais les femmes se gardaient de se retourner. L’insistance de leurs regards était une énigme. Elles supputaient d’avance la valeur future du petit passant. Leurs yeux disaient : Celui-là, dans quatre ans, dans cinq ans !… Puis ils se fermaient et semblaient furtivement retenir quelque douce vision — la sienne tôt disparue ou la leur en fuite vers les abîmes du temps ? — cependant que les ailes frémissantes de leur nez contenaient une impondérable odeur et que leurs lèvres s’ouvraient pour un invisible baiser…

Luc sentait tout cela. Il évitait de poser les pieds,

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