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LUC

comme une mousse impalpable, comme une aérienne vapeur, en silhouette virginale, autour de la gentille Nine.

Jeannine est une jeune fille tout à fait, remarque Julien Bréard qui vient de la complimenter après avoir salué Mme Marcelot. Julien, l’inséparable de la famille, toujours jaloux de l’amitié que témoignait à ses parents et à lui-même le feu Président Hérard de Villonest. Julien, le charmant sceptique, venu aussi tout exprès pour surprendre Luc Aubry et s’amuser de la joie et de l’étonnement d’une telle rencontre. Julien est presque l’aîné de toute la jeunesse qu’a réunie autour de sa fille la maîtresse de la maison. Il y a là, dans l’immense salon blanc et or, cinquante figures exquises d’adolescences à peine écloses ou large épanouies, et inquiètes déjà des tourments imposés à leur chair par la nubilité tantôt conquise. Et Julien, avec une acuité de perception qui explique la science très grande et la vogue de ses tableaux, savoure, gourmand et connaisseur, et délicat aussi, les formes cambrées des jeunes gens, la sveltesse ployante des jeunes filles, et, de tous, les yeux purs de fatigues trop évidentes, les lèvres vierges mais impatientes de baisers.


Des chuchotements, de la joie et des rires, comme un friselis de blés mûrs couchés sous le vent de la plaine, montent, s’étendent puis s’apaisent, laissant de la joie dans les clairs visages : c’est Luc Aubry ; il vient d’entrer ; chacun veut lui faire un accueil empressé. À peine il s’étonne cependant de rencontrer Julien ; sa présence dans cette maison lui semble