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PARTENZA…



Rome a, durant vingt ans, adoré tes pieds nus,
Les larmes des Césars en ont poli l’ivoire
Et, debout sur le seuil des siècles méconnus,
Tu souris à travers les mépris de l’histoire.

Les beaux vers du poète Jean Lorrain accouplent leur rythme hallucinant aux magnificences des Poèmes Antiques, et je ne sais rien de plus délicieux que laisser se dérouler les spirales bleutées des mots harmonieux qui de mes lèvres montent se glacer et mourir sur les lèvres des dieux de marbre ou de bronze vert d’une inexprimable beauté.

Mais les noms dont nous les appelons, ces dieux, ne sont pas les leurs. Ce Narcisse très séduisant, cet Apollon coiffé comme une femme et provocant comme l’une d’elles, cet Antinoüs, ces menues statuettes de bronze, ces camilles et ces pocillateurs, peut-être, sont, les uns et les autres, les images très exactes des esclaves d’Alexandrie d’Egypte, d’Asie, de Grèce ou de Rome même, de Rome jalouse des infamies de l’Orient, de la Rome des Césars, qui, avec un Héliogabale encore adolescent, connut les plus mystérieuses débauches… Et ces visions, ici, passent devant mes yeux, frémissantes et radieuses de la splendeur de la chair. Je voudrais ignorer les turpitudes d’autrefois, ne rien connaître du passé qu’il faut oublier pour les fastes du présent… Mais le passé m’obsède ; le passé rayonne ici tout entier ; la sereine immobilité des marbres et des bronzes n’efface rien de son souvenir… Et, très calmes et très purs, les éphèbes sont là, fleurs éclatantes de jeunesse traînées dans les ruisseaux des