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PARTENZA…

le signe de la Croix qu’il achève lui-même sur sa poitrine et sur ses épaules où pèsent les soieries de sa chevelure. Les yeux bruns de sa maman ont cette langueur adorable des yeux de créoles, exquisement soulignés et élargis d’un cercle bistré. L’enfant paraît hésiter un instant ; il avance avec un air singulier, appuyé contre sa mère, d’un pas saccadé que n’expliquent pas ses petites jambes très solides ; j’ai peur de deviner quelque chose de terrible. Sa mère glisse dans sa main d’enfant une pièce de monnaie, en la guidant vers la main tendue d’un aveugle. Le soleil tombe droit sur son front pâle, faisant un brasier des cheveux échappés de sa toque noire, sans qu’il détourne la tête comme tout le monde. Je me penche, à peine, sans être remarqué… Oh ! la tristesse de ce que je viens de voir, la tristesse de cette aumône sacrée offerte au vieil aveugle misérable et flétri par les mains élégantes de l’enfant, aveugle aussi !… Et tous deux sont là face à face, sans que l’un et l’autre puissent rien savoir de la navrante communauté de leur malheur… Les yeux bleus du joli garçonnet sont tout troubles ; on dirait deux violettes de Parme très pâles fondues dans le globe des yeux, sous les paupières blanches ourlées de cils très longs et si beaux, couleur de cuivre bruni comme les cheveux…

Je les vois passer, tristes dans le radieux soleil, la mère douloureuse dont je comprends maintenant l’implorante oraison face au miracle du Pauvre d’Assise, et le petit garçon pour qui ne sont point faits l’éblouissement de sa Florence pâmée sous une longue coulée