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PARTENZA…

Ils devaient me séduire, ces quais appelés ici lung’ Arno, moi dont la joie est la rêverie solitaire entre le pont des Arts et le Pont-Royal sur l’une ou l’autre rive de la Seine, devant mon Paris que j’aime, royalement paré des tours de Notre-Dame, massives, derrière l’aiguille piquée d’or de la Sainte-Chapelle ; mon Paris, vêtu des architectures somptueuses du Louvre espaçant dans la verdure des grands arbres dont les racines baignent dans l’eau, ses statues, ses frises, ses balcons dorés et ses colonnades. Ils sont beaux aussi les quais de Florence, beaux et graves ; et je les foule avec respect, songeant aux ombres inquiètes qui reviennent peut-être, à travers la limpidité des nuits tranquilles, traîner, sur les dalles vibrantes encore du bruit de leurs pas, le suaire impuissant à contenir leur génie, leur grandeur ou leur beauté, quand les heures se répandent dans l’air apaisé et meurtrissent le silence de leur voix implacable…

Aussi m’apparaît-il comme dans un rêve, le Ponte-Vecchio, d’une si surprenante vieillesse, avec ses boutiques étroites suspendues de chaque côté, désagrégées et branlantes, au-dessus du fleuve qui les guette et sent sa proie prochaine. Tant pis ! quand ces rustiques débris d’un autre âge iront se dissoudre dans les flots radoteurs du vieil Arno sur lequel ils se penchent, il n’y aura plus là les spirituels artisans de jadis pour faire des choses les plus prosaïques de petits mondes de poésie imprévue et charmante, et l’on jettera sur l’Arno, comme sur le Tibre, à Rome, la toile d’araignée d’une hideuse ferraille.