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PARTENZA…

de la nuit soudaine, parmi les récifs, les bancs de coraux, les algues géantes et les poissons volants qui sautillent, phosphorescents aussi, comme des feux follets en ballade sur le Grand-Cimetière où les rangées de tombes sont les lignes infinies des vagues…

Ils vont, les paquebots immenses, dans les haleines chaudes et mouillées de l’extrême Orient où sommeillent des fièvres affreuses ; ils vont, écrasés entre les détroits du Sud et du Nord ; ils se balancent mollement sur les flots de la Corne-d’Or, devant les palais et les mosquées de Byzance méchante, découpée toute blanche sur le fond du ciel bleu ; à travers les Cyclades ils songent à Délos, aux mystères d’Apollon ; ils rêvent de Cépros, aux rites de Vénus ; leur proue déchire les lapis de la mer Ionienne ; ils se penchent vers Zante, la fleur du Levant, et vers Corfou, et tressaillent peut-être dans leur âme d’acier en voyant les beautés qui s’enfuient sous leur vent…

Puis ils reviennent ici, s’appesantissent sur les ancres, traînant encore dans leur sillage à peine refermé les ruissellements de tous les soleils — des clartés âpres et glaciales des terres arctiques aux sanglants crépuscules entrevus sur le seuil des déserts terrifiants, quand le jour expire entre les hauts palmiers dont les cimes s’empourprent…

Ils ne pensent pas à tout cela, les gamins ; ils jouent aux billes. Leur petite caisse, dans laquelle sont venues de si loin de belles mandarines rouges comme le soleil couchant dans les palmiers, est auprès d’eux, posée à terre, avec, dedans, des petites brosses très