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PARTENZA…

impénétrables contre lesquelles vainement se heurte la lumière ; ce temple, cour d’assises effroyable préparée pour un horrifiant Jugement Dernier… Et le vieux bonhomme découvre pour moi, en effet, une Pietà de Michel-Ange enfouie dans l’ombre, derrière le maître-autel : affaissement de chairs agonisantes, meurtries et pâles avec ces patines de vieux marbres enfermés et frôlés sans cesse, qui mettent un semblant de vie à fleur de peau, une matité de cire si bien appropriée aux traits endoloris de la Vierge, au corps exsangue du Crucifié ; et puis c’est encore l’Ascension de Lucca della Robbia, les monuments de Giotto et de Brunelleschi. Et comme je m’étonne de la parcimonieuse distribution des œuvres d’art ensevelies ici, le vieux guide m’entraîne dans une profondeur de chapelle d’où, des groupes éparpillés à la surface du sol, au ras des dalles, filtrent ces rumeurs que j’avais prises, dès l’entrée, pour des râles :

— La façade, signor, dit-il en son mauvais langage, il est splendide, il est le symbole de l’Église triomphante ; ici, le dedans, il est l’Église militante.

Militante !… Comme ce matin au Palais-Vieux, à ce seul mot du guide revit le souvenir du dominicain révolté ; et les gémissantes prières, là-bas, m’arrivent comme un écho très faible de sa voix, de la voix que les murailles frissonnantes ne peuvent s’empêcher de répéter dès qu’elles en ont été fouettées. Dans cette église, dépouillée et farouche comme une forteresse, c’était autrefois l’incessante veillée des armes, en effet ! Quelle figure devait être ce Savonarole