de pourpre qui, oublié par le couchant d’or, s’attarde sur la route mélancolique et d’une tristesse charmante que suit, vers Pise et la Méditerranée, le cours de l’Arno. C’est la nuit. La dernière vision de lumière qui demeure dans mes yeux, un peu obsédante, me vient du jour cru glissant en biais sur les tableaux d’une exposition assez banale que nous avons eu la malchance de rencontrer en route et où nous avons gâché un temps précieux que nous aurions si bien pu consacrer à Santa-Croce, par exemple, ou au couvent de Saint-Marc. Tant pis ; nous laisserons tant de beautés encore inconnues derrière nous que je ne veux pas m’effrayer outre mesure d’avoir passé si près de celles-ci, inutilement.
Après dîner, repris pour la dernière fois, hélas ! mes vagabondages nocturnes et solitaires dans ces villes d’Italie aux rues hautes et étroites, vides dès neuf heures, où bâillent de profondes fenêtres sous des grillages de fer forgé, ventrus et solides, où s’ouvrent des porches béants dans les façades des grands palais. J’examine attentivement le chaos dans lequel nous sommes tombés hier soir ; je dégage très bien maintenant, en me guidant avec les souvenirs de la journée, l’exacte physionomie des rues, des places, des palais, des églises. Je vais partout sans me perdre, étonné de la rapidité de cette assimilation de mes habitudes, avec le milieu où je suis, c’est-à-dire avec Florence où plus rien déjà ne m’étonne, où tout m’enchante, à chaque minute, davantage, éperdument.