devant moi, tragique : l’Escurial funèbre, l’attrait invincible de la mort ou du néant entraînant les princes vêtus de noir au fond des cloîtres glacés… Et les moines reprenaient des chants que je n’avais plus entendus depuis le collège où, sur les lèvres aimées d’un petit camarade très beau, leur douleur m’était une joie sans égale : Jerusalem, Jerusalem, convertere ad Dominum Deum tuum… J’étais absolument isolé dans le noir épais où s’agitaient les formes indécises des cagoules pointues, devant la réalisation effarante du Crucifié.
Et, convulsives, se tordaient les clameurs des moines : Sed et cum clamavero et rogavero, exclusit orationem meam… Jerusalem… Jerusalem !… convertere ad Dominum Deum tuum…
Je me souviens des longues heures passées à la Mosquée de Cordoue, seul dans un coin d’ombre, parmi la forêt des colonnes de jaspe, de brèches précieuses et de porphyre ; heures de rêves confiées aux vapeurs flottantes des encens, aux rutilements des mosaïques d’or et de lapis du Mirhab saint orienté vers la Mecque ! Les parfums des orangers portés en la tiédeur de l’air doré du patio de los Naranjeros filtraient sous les portes élégantes aux grands cintres effilés, festonnées d’arabesques délicieuses, où glissaient aussi des éblouissements de murailles roses, atténués par la verdure des palmes lentement balancées sur les hautes tiges des palmiers. C’était le soir de Pâques. L’office terminé, de vagues plaintes d’hymnes