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PARTENZA…

munion de sentiments avec la mienne et, brusquement, me rappellerait de mon rêve fugitif pour me rejeter dans le prosaïsme maussade, tout vibrant de sensations arrêtées dans leur marche ascensionnelle vers l’extase que je désire.

J’ai éprouvé déjà ces mêmes émotions maladives et tant aimées, faites de la plénitude inattendue et oppressante du beau ou du grand, offerts soudainement aux regards, dans certaines circonstances qu’il serait malaisé de définir, tant elles sont complexes et dépendent de l’état d’esprit, du temps et du lieu ; heures bizarres dans lesquelles toutes choses pénètrent l’âme, s’y incrustent profondément et demeurent exquises et douloureuses…


…Ce Vendredi-Saint d’Andalousie au fanatisme enjôleur et demi-païen, rôdant autour des remparts croulants de Séville, après une journée chaude, sous un brouillard de poussière lumineuse et rougeâtre qui demeurait en nappes horizontales à la surface du sol et desséchait la gorge, j’entrai dans la chapelle d’un couvent de capucins, non loin de la Alameda de Hercules. Au milieu de l’obscurité farouche, un Christ en croix saignait sur les degrés, devant l’autel. Sa face écorchée de plaies réalistes paraissait s’allumer sous les feux de deux gros cierges et pleurait des larmes de sang mêlées au ruissellement de ses grands yeux douloureux de clémence et de pardon… Et les voix des moines, lugubres, râlaient les désespérantes Lamentations… Toute l’Espagne de Philippe II se dressait