Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/158

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écrasa entre ses doigts une prune véreuse, tombée d’un arbre voisin et dit :

— Combien ce ver est plus heureux que nous autres hommes ! plus il vit, plus le fruit devient doux ; seulement, je ne saisis pas l’idée de cet animal, de rester enfermé dans sa chambre, et de se soustraire ainsi à toutes les jouissances de la vie ?

Le niais ne comprenait pas que sa position n’était autre que celle du ver caché dans un fruit délicat.

Belle était trop triste pour faire attention à ce qu’il disait ; elle lui ordonna de partir ; et il la quitta, en lui promettant de revenir chaque nuit, et de lui apporter ce dont elle avait besoin, moyennant quelque petite récompense. Elle ne pensait pas à ce qu’elle disait en ce moment, car elle avait tout perdu.

Ne s’inquiétant pas si elle pouvait être vue, elle entra sans aucune précaution dans cette maison mystérieuse ; en ouvrant la porte au moyen d’un secret de la serrure, elle ne fut assaillie par aucune considération sur le changement de son sort ; elle se sentait déshonorée, méprisable, depuis que l’archiduc ne l’aimait plus ; elle voulait l’oublier, tandis que, malgré elle, toute son inquiétude était de savoir où il se trouvait.

Guidée par cette pensée bien plutôt que par la faim, elle revint le soir au palais. Elle trouva fermée la