Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/211

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seulement la fascination exercée par une Arabe, une comédienne de la haute société qui attirait autour d’elle une foule de jeunes gens ; c’était encore plus l’excitante renommée de ses bonnes mœurs qui augmentait chaque jour le nombre de ses adorateurs ; chaque nouveau venu croyait son triomphe assuré en voyant à son arrivée le nombre des délaissés s’augmenter du dernier amant, jusqu’à ce que lui-même passât au nombre des adorateurs paisibles qui attendaient dans le plus grand calme le moment d’être heureux.

Ces derniers, familiarisés peu à peu avec la perspective de cette attente, se demandaient souvent s’il fallait attribuer cette résistance à la chasteté, à la ruse, ou à la satiété. La plupart penchaient pour ce dernier avis, s’appuyant sur ce qu’elle avait l’air plutôt d’une femme veuve ou divorcée que d’une jeune fille inexpérimentée ; du peu qu’on connaissait de son histoire, de son amabilité, de sa finesse, on déduisait qu’elle n’avait pas dû toujours rester enfermée dans les étroites limites que l’Orient impose à ses femmes ; des esprits corrompus cherchaient dans le vice même les causes qui l’éloignaient du vice, et tâchaient de répandre en ce sens des bruits malveillants. Mais tous leurs efforts venaient échouer contre la dignité de sa conduite.

Saint-Luc, que nous avons laissé furieux de ne pou-