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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/216

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Peu à peu Melück le ramena sur un sujet qui l’intéressait davantage, sur l’art dramatique : elle lui demanda comment les grandes tragédiennes de Paris portaient et maniaient leurs manteaux. Saintrée le lui expliqua ; mais Melück paraissait si étrangère à tout cela, que le comte, emporté par l’amour de l’art, se mit sur le dos un vieux manteau rouge qui se trouvait dans la chambre, et lui indiqua toutes les poses, les gestes et toutes les manières de se draper. La chaleur était accablante, et l’habit du comte trop étroit ; il se trouvait gêné dans ses mouvements et s’en plaignit. Melück lui conseilla de l’ôter. Après quelques excuses, il s’y décida.

Il y avait dans la chambre un grand mannequin articulé, comme on en employait beaucoup alors en province pour essayer les nouvelles modes, semblable à peu près à ceux dont se servent les peintres pour remplacer les modèles vivants. Le comte, assez enjoué de sa nature, égayé encore par la liberté qu’on venait de lui accorder, demanda en plaisantant s’il pouvait revêtir le mannequin de son habit, et avoir ainsi un autre lui-même pour se critiquer avec impartialité et sévérité. Melück l’avertit en riant que le mannequin pourrait bien s’animer au contact de ce mystérieux vêtement. Le comte endossa sans peine