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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/218

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Le comte, curieux de découvrir la cause de cette plaisanterie, visita la chaise sur laquelle était assise Melück, la souleva, la retourna, sans rien trouver qui indiquât une communication. Continuant ses investigations, il voulut déshabiller le mannequin, mais cela ne lui fut pas possible ; et malgré sa force peu commune, il ne put parvenir à ouvrir les bras qui restaient solidement croisés. Le mannequin avait passé de la mobilité d’articulation qu’il possédait jusque-là à une invincible immobilité.

La préoccupation causée par cet événement les avait conduits jusqu’à l’heure du dîner, et le comte se disposait à se retirer comme l’exigeaient les convenances. Melück voulait découdre son habit, seul moyen de le ravoir ; mais comment sortir avec un habit décousu, le recoudre eût été trop long. En envoyer chercher un autre, aurait aussitôt répandu dans toute la ville une histoire bien vite défigurée, et que toutes deux désiraient garder secrète. Dans un tel embarras, Melück conseilla au comte de se cacher dans son cabinet de travail ; — en même temps elle poussa le mannequin dans une niche fermée par un rideau ; — elle lui donnerait à dîner, et, à la faveur de la nuit, il pourrait rentrer chez lui, où il prétexterait de quelque aventure pour excuser la perte de son habit.