Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/224

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Un hasard fit que le comte la rencontra dans une société où il ne s’attendait pas à la voir, tandis qu’elle était sûre de l’y trouver. Elle ne put s’empêcher de lui faire des reproches devant tout le monde ; et comme il était fatigué d’elle autant qu’elle était folle de lui, il se montra plein de calme et de convenance. Cette séparation fut regardée comme le triomphe de la vertu, et dès ce jour Melück perdit tout son prestige. Elle cessa d’être reçue dans beaucoup de maisons qui auparavant auraient sollicité sa présence, et, se sentant blessée dans son orgueil, elle se tint dès lors éloignée de toute société.

Le comte n’était pas moins inquiet, il avait pour Melück un reste de penchant qui le troublait à tout moment ; d’un autre côté il craignait que le bruit de cette liaison ne fût devenu public, et n’arrivât jusqu’aux oreilles de Mathilde.

Pour éviter quelque nouveau coup de tête de Melück, il partit à la campagne. Mathilde venait d’y arriver. Quelle joie de se revoir ; ils étaient dans ces années où chaque jour embellit et accomplit les amants : l’éloignement avait mûri leurs sentiments. Les quelques difficultés qui restaient furent bientôt levées, et leur mariage s’accomplit au milieu d’une fête champêtre. Le même jour, douze filles pauvres du