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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/269

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chose en laquelle on a foi, vient de Dieu, et ce que je vais vous dire est vrai, je vous le jure. Les dieux païens eux-mêmes, que nous ne traitons plus que de risibles images, vivent encore aujourd’hui ; ils n’ont peut-être pas toute leur puissance d’autrefois, mais ils en ont encore plus que les hommes, et je ne voudrais jamais en mal parler. Je les ai tous vus de mes deux yeux, je leur ai même parlé !

— Eh ! la peste, vous m’effrayez, s’écria le cousin… Après tout, cela nous aurait fort bien mis en cour, nous les aurions montrés aux grands personnages.

— Cela ne se fait pas ainsi, cher cousin, répondit l’autre. L’homme qui les voit doit, par une méditation d’un an, s’être préparé pour être supérieur au génie qui lui apparaîtra ; à la vue l’un de l’autre, ils sont saisis d’une horreur telle, que la partie mortelle et animale n’y résiste pas. Mais celui qui a creusé jusqu’au fond les secrets de la nature, paraît vivant comme moi aux yeux de tous, tandis que l’initiative et l’activité sont éteintes chez lui. Ma mère savait bien que je me trouvais dans cet état ; aussi, à son lit de mort, était-elle bien tourmentée de mon avenir. Jusque-là, elle avait seule réglé avec soin toutes nos affaires, tandis que je me livrais exclusivement à l’étude et à la contemplation. J’ai employé mon temps