Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/271

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j’ai commencé le cercle de mon existence, j’ai aperçu dans les rues des gens amaigris qui pouvaient à peine se traîner jusqu’à la porte des cafés ; ils étaient harcelés par de pauvres âmes que de nombreux procès empêchaient de goûter le repos céleste et poursuivis de leurs plaintives réclamations. Parmi ces âmes, je vis mon père : il était là pour un procès de débiteurs, dont personne ne verra la fin. Tâchez, mon cher cousin, de donner le repos à cette âme, je suis trop faible pour y parvenir moi-même.

— En effet, répondit le cousin, le dimanche, les conseillers, les greffiers et les procureurs vont s’amuser aux Portes avec leurs femmes et leurs enfants.

— Le postillon disait aussi que c’étaient des enfants qui jouaient à se pousser, continua l’héritier du Majorat, mais des enfants n’ont pas des visages tristes ; non, ce sont les génies des Tourments qui leur font expier leur négligence. Ah ! cher cousin, donnez le repos à l’âme de mon père, de votre oncle.

Le cousin regarda avec inquiétude dans la chambre ; il lui semblait entendre voltiger des génies dans les coins obscurs.

— Je ferai tout ce que vous désirez, cher cousin, s’écria-t-il enfin, je ne suis pas heureux quand je n’ai pas quelque chose de ce genre à trafiquer ; les procès me