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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/286

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mère, qui lui donna d’un visage aimable l’étoffe qu’elle cherchait, comme si l’orage se fût dissipé d’un souffle. Le lieutenant voulait marchander, mais l’héritier du Majorat donna sans discuter le prix indiqué. Esther lui rendit quelques thalers, trouvant sans doute le prix marqué trop fort. Là-dessus la vieille commença à tempêter, mais cette fois tout en hébreu. Esther baissa les yeux pour laisser passer l’ouragan, mais le lieutenant prit la parole à son tour, et lui ripostant aussi en hébreu, étonna tellement la vieille, qu’elle abandonna le champ de bataille et se retira dans sa coquille. Esther parut encore plus froissée de ces dernières paroles que des injures qu’elle venait de supporter précédemment ; craignant d’être indiscret, l’héritier du Majorat entraîna le lieutenant qui voulait déjà chanter victoire, et prit lui-même sous son bras la pièce de soie.

De retour à la maison, il demanda au lieutenant où il avait si bien appris l’hébreu.

— J’en ai besoin dans mes rapports avec les Juifs, répondit-il, et ce que cela m’a coûté en livres et en professeurs, je l’ai largement regagné d’un autre côté, car je puis maintenant comprendre tous leurs mystères. Tenez, cousin, il y a plein cette armoire de livres hébreux, traitant de leurs traditions, de