Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/288

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telle qu’il l’avait rêvée pendant son sommeil ; de douleur de voir une autre partager son amour, Lilis s’éloigna d’Adam, et, après la chute du premier homme, prit l’emploi de l’ange de la mort. À partir de leur naissance, elle menace les enfants de l’Éden et les épie toujours jusqu’au dernier moment, où elle laisse tomber de son glaive dans leur bouche la larme d’amertume. C’est cette larme qui donne la mort, et c’est la mort qui distille la liqueur où l’ange vient tremper son glaive.

Après cette lecture, l’héritier du Majorat se leva, parcourut la chambre avec agitation, et s’écria avec passion :

— Chaque homme recommence l’histoire du monde, chaque homme la finit. Moi aussi, j’aimais timidement et pieusement une pudique Lilis, c’était ma mère ; le bonheur de ma jeunesse se reposait dans un amour mystérieux. Esther est mon Ève, elle m’a enlevé à ma mère et causera ma mort.

Il ne put supporter plus longtemps le voisinage de l’ange de la mort qu’il croyait toujours sentir derrière lui. Il descendit dans la rue, enveloppé de son manteau, pour tâcher de se distraire jusqu’au lever du jour. Après avoir marché quelque temps, s’étant arrêté au pied d’une statue placée dans une niche, il