Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/297

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tendre une petite demi-heure, parce qu’elle avait quelques lettres à terminer.

Le cousin tira sa montre, et voyant qu’il ne pouvait rester tout ce temps sans retarder l’heure de sa promenade réglementaire, se retira, laissant l’héritier tout seul. Ce dernier était inquiet dans cette chambre. La grenouille verte, coassant sur sa petite échelle, lui semblait animée d’un esprit funeste ; les fleurs mêmes dans leurs pots n’avaient pas un air innocent ; dans les passe-partout il lui semblait voir une douzaine de diplomates décrépits qui le surveillaient. Mais ce qui le tourmentait plus que tout cela, c’était le barbet noir, qui cependant paraissait lui-même avoir peur de l’héritier ; il le croyait une incarnation du diable. Enfin, lorsque la noble dame, peinte de couleurs aussi variées que celles d’un feu chinois, sortit de la chambre et entra dans celle où se trouvait l’héritier, il faillit perdre la raison, car il ne lui était jamais venu à l’idée qu’une femme si laide fût sa mère.

— Mère, dit-il, en la regardant profondément, votre fils est bien malade.

Il pensait qu’elle allait être effrayée, ou l’appeler fou ; mais elle s’assit tranquillement à côté de lui, et lui répondit :

— Fils, ta mère se porte très-bien.