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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/300

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chassé à cause de moi ? Je le sais moi, c’est Esther, la belle et infortunée Esther, que le commerce des Juifs et son changement de religion font mépriser de tous.

— Là-dessus, je ne peux pas te donner de réponse. Le vieil héritier du Majorat a conduit cette affaire tout seul. Je n’avais plus à m’occuper de rien après t’avoir sauvé de la honte d’une naissance illégitime et élevé à une fortune brillante. Tu ne m’en remercies pas ?

Il était tout absorbé et ne répondit pas à cette question, mais il dit d’une voix sombre :

— Je devrais être riche aux dépens d’une malheureuse ? Ne suis-je pas assez instruit pour pouvoir me suffire à moi-même ? Je joue de plusieurs instruments avec autant de talent que personne ; je peins, je sais m’exprimer en toutes langues. Arrière ces richesses qui ne m’appartiennent pas ; elles ne m’ont pas donné le bonheur.

La vieille dame l’avait écouté attentivement, tout en caressant son barbet qui lui appuyait familièrement ses pattes sur les genoux ; elle prit la main de l’héritier du Majorat et lui dit :

— Tu ne dois pas la moindre obéissance à ta mère ; mais cependant sache que ce que j’ai fait n’est pas une injustice ; garde pendant vingt-quatre heures