Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/303

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m’approchai du lit, la pauvre femme était morte ; je l’ai entendu dire à mon beau-frère, et personne n’ose en parler ; c’est une affaire de complaisance sans doute, mais cela me fait frissonner.

Esther essaya de lui ôter cette idée, et lui dit à la fin :

— Réfléchissez ; si la vieille vous fait trop peur, ne m’épousez pas, cela m’est complétement égal, je ne le faisais que pour vous tirer de la misère ; réfléchissez-y bien ; allez-vous-en et laissez-moi seule.

Le fiancé se retira.

Une fois parti, Esther se leva avec difficulté, se regarda avec effroi dans son miroir et joignit les mains.

L’héritier du Majorat considéra l’étroit espace qui les séparait ; il pensa à aller la consoler, mais avant qu’il eût décidé s’il devait hasarder un saut périlleux, ou réunir les deux fenêtres au moyen d’un pont, il entendit comme les autres soirs un bruit violent, et la belle Esther retomba dans sa monomanie de réception. Elle passa rapidement une légère robe de bal, sur laquelle elle jeta un domino de couleur feu, mit un loup, et attendit ainsi les autres masques qui devaient prendre part au bal. Tout se passa comme la veille, mais avec plus d’étrangeté encore. Des masques grotesques, des diables, un ramoneur, des chevaliers,