Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/317

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du ciel toujours pur du paradis reconquis ; ils regardaient la mourante d’un air consolateur, tandis que l’ange de la mort planant au-dessus de sa tête, le visage sombre, vêtu d’une robe émaillée d’yeux, et armé d’un glaive de flammes éblouissant, guettait le moment de déposer sur ses lèvres la dernière goutte d’amertume ; l’ange était là pensif, comme un inventeur au moment où il trouve la solution de son problème.

Esther, d’une voix éteinte, dit à Adam et à Ève :

— C’est donc à cause de vous qu’il faut que je souffre ainsi ?

Et ceux-ci lui répondirent :

— Nous n’avons fait qu’une faute ; et toi, n’en as-tu fait qu’une aussi ?

Esther soupira, et au moment où elle entrouvrait ses lèvres, la goutte amère tomba du glaive de l’ange dans sa bouche. Son âme parcourut tous ces membres dont elle était chassée, et prit congé de ce séjour où elle avait tant souffert et qu’elle avait tant aimé. L’ange de la mort trempa la pointe de son glaive dans le verre qui était auprès du lit, le remit dans le fourreau, et recueillit l’âme ailée sur les lèvres de la belle Esther ; c’était sa pure ressemblance.

L’âme se plaça sur les mains de l’ange, étendit ses