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Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/95

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Le voyage fut aussitôt arrêté. Les couturières se mirent à l’œuvre pour faire des habits de fête, et on fit tant travailler ce pauvre Peau-d’Ours, qu’on prétend que, malgré sa nature d’outre-tombe, il lui arriva de suer à grosses gouttes. Ce pauvre garçon faisait tout ce qu’on aurait pu demander d’un homme vivant, et il mangeait tant que bientôt il reprit une espèce de vie terrestre ; de sorte qu’il se passait parfois en lui une lutte entre son corps vivant et son corps mort ; alors toute sa peau tressaillait et lui démangeait. La même dissension se répétait dans son esprit à l’égard de ses maîtres : son corps mort était tout dévoué à Cornélius, tandis que son corps vivant préférait de beaucoup Braka et la belle Bella, et alors il méprisait complètement le petit, selon qu’il était sollicité par l’une ou par l’autre influence. Nous allons voir qu’il penchait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, sans cependant trahir ses préférences.

Tout était préparé pour la partie de campagne. Il avait fallu payer une voiture trois fois plus cher que d’habitude, parce que les gens de la ville, qui ne sortaient pas souvent, avaient choisi ce jour pour prendre un peu l’air. Les vieux habits de fête sortaient des armoires où ils étaient relégués depuis l’année dernière, et revenaient à la lumière ; les enfants, levés avant le