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TRISTAN BERNARD

rue silencieuse, avec la joie d’un père qui va trouver enfin un fils longtemps désiré.

M. Bernard aima cette façon poétique de s’exprimer et sa première émotion disparut. Il observa M. Dickens avec plus de curiosité, et tout de même craignant encore peut-être qu’il ne s’évanouît soudain en spirales claires de fumée, il risqua une chiquenaude sur sa main et pinça sa jambe. M. Dickens ne prêta pas grande attention à ces menues tentatives, il reprit :

— Oui, comme un père qui va trouver enfin un fils longtemps désiré. Ah ! Je croyais que jamais je ne goûterais la joie orgueilleuse de revivre dans un autre moi-même, et je me lamentais, je me désespérais… Mais vous voilà enfin… Vous êtes mon fils, mon vrai fils, mon fils unique.

Il contemplait plus tendrement M. Bernard, comme s’il voulait graver pour toujours dans sa mémoire son visage malin, et il murmurait d’une voix pâle et frêle :

— Ah ! depuis si longtemps je vous aime, depuis si longtemps… Je songe à vos premiers