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PIERRE VEBER

écoulée : machinalement, il se retrouvait le dos courbé, le front dans les mains, compulsant des livres à la Bibliothèque nationale ; puis des semaines fuyaient, fuyaient. Il écrivait au Journal, au Gil Blas ; il passait à l’Écho ; il publiait des romans, il devenait dramaturge. Il se souvint aussi de Jean son frère, de la rue Édouard-Detaille, silencieuse et déserte, de son petit cabinet de travail où il passait des heures à aiguiser des pointes railleuses, et, sans s’en douter, il murmura en bâillant : « Ah zut ! que c’est bête tout ça ! » Puis, mettant la main sur son cœur : « Je suis morose, dit-il, et je ressemble aujourd’hui à un poitrinaire. »

Et comme il pensait à ces petites choses sans importance, une femme franchit la grille du jardin. Grande, mince et souple, elle venait lentement sur le sable de l’allée, et sa jupe relevée d’une main légère laissait voir la cheville du pied, fine et frêle et nerveuse. Le soleil piquait des reflets fauves dans ses cheveux blonds. Elle s’arrêta devant le bassin, regarda un instant les jeux paisibles des canards, puis