Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/28

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lèvres, on dirait une petite princesse échappée des légendes orientales. Rien autour de nous, pourtant, n’a tressailli à l’entendre. Le salon blanc, tendu de soie bleu de lin, tout encombré de bergères et de chaises à médaillons, semble toujours prêt à recevoir, dans sa lumière discrète et fleurie, avec leurs galants et leurs philosophes, les belles qui vécurent au siècle de Louis le Bien-Aimé. Le maréchal bardé de fer qui, au-dessus de moi, tient avec autorité son bâton étoilé de commandement, ne l’a pas brandi hors de son cadre d’un geste menaçant, et les deux marquis poudrés à frimas, voluptueux et frivoles, qui ornaient jadis le salon de Mme  d’Houdetot n’ont pas eu, sous le verre de leurs portraits, la moue dédaigneuse des petits-maîtres d’autrefois. Les cavaliers militaires, dont je vois filer les dolmans sur l’avenue Henri-Martin, ne se doutent guère quelle âme éprise de révolte cachent ces murs devant lesquels ils passent indifférents. Alors, étonnée de mon étonnement, celle qui publia, il y a deux ans, les vers à la fois émouvants et étranges du Cœur innombrable, et dont le premier roman, à peine paru, La Nouvelle Espérance, agite déjà le Tout-Paris mondain et littéraire, reprend avec tranquillité :

— Mais oui, je suis avec ceux qui veulent pour la masse de tous les hommes plus d’équité et plus de bonheur. Oh ! je ne suis pas avec les ducs et les princes, oh non ! Voyez : n’approchons-nous pas, de plus en plus, de cet idéal, et n’y a-t-il pas, chaque jour, de nouvelles lois sociales qui répar-