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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

rare. Ses dessins ont une régularité unique. Quatre personnes sont nécessaires pour le plier en fichu, de telle sorte que ses lignes soient en diagonale et que deux de ses pointes se croisent sur la poitrine, les deux autres devant tomber dans le dos…

Arlette ne peut pas ne pas s’intéresser à ce déploiement de lainage. Elle passe sa matinée parmi ses cousines très affairées, dans le camphre et le poivre…

L’après-midi elle conquiert sa liberté en annonçant son intention d’entretenir des résultats de la tombola M. le Grand Doyen. Mensonge pieux ! Si elle veut voir M. Hyacinthe, il faut qu’elle soit chez lui dès une heure et demie, sa classe commençant à deux heures.

Que lui dira-t-elle exactement ? Aura-t-elle l’audace de lui jeter la vérité au visage comme une brassée de fleurs ? Ou bien prépare-t-elle une seconde visite, qui, celle-là, sera définitive ? Elle penche pour l’attaque brusquée. Mais elle n’ignore pas que la meilleure tactique est celle qui s’inspire des circonstances.

Quand elle arrive, essoufflée, à la porte du professeur, la bonne lui répond :

— Monsieur est sorti.

— Depuis longtemps ?

— Cinq minutes à peine !… En vous dépêchant un peu, vous pourrez le voir au collège avant sa classe…

Elle n’hésite pas. Bien que prévoyant des difficultés, elle y va. Comment parlera-t-elle au concierge ? Ne se perdra-t-elle pas dans les couloirs de l’immense bâtiment ? Heureusement, toutes ses incertitudes sont levées. En regardant par hasard une des fenêtres, qui ouvrent sur la rue et qui sont garnies de lourds barreaux, elle aperçoit M. Hyacinthe. Celui-ci, accoudé sur un petit bureau d’élève, le plus proche de la lumière, a en main un gros crayon bleu et annote des copies. Sa classe, dont les murs sont remplis de taches d’encre, est vide. Une grande carte de géographie y bascule, un de ses clous étant tombé.

Passant sa frimousse entre deux barres de fer, Arlette crie :

— Coucou, M. Hyacinthe…

Le professeur, qui croit être interpellé par un élève, ne bouge même pas la tête :