doigts… À force de se piquer, on s’agace, on se dispute, on prononce des phrases irréparables… Tandis qu’avec votre pelote en tapisserie, ma cousine Marie sera heureuse quand elle se mariera.
— Quand elle se mariera ? répète comme un écho le gros homme, qui dissimule son émotion soudaine en dessinant des hachures dans la marge d’une copie…
— Oui… quand elle se mariera… Je ne pense pas que vous trouviez invraisemblable que ma cousine Marie agrée un prétendant ?…
— Oh ! ça ! c’est un âne ! un triple âne !…
Sans s’arrêter à la question de savoir ce que M. Hyacinthe dénomme « triple âne », Arlette est interloquée.
— Vous dites ?
— Je dis qu’un élève, qui est capable d’écrire : ego sum, s. o. m. m. e… est un âne, un triple âne…
— Ah ! bon ! Excusez-moi… Je n’avais pas compris votre exclamation !
Pauvre M. Hyacinthe ! Il essaie de se raccrocher, il bafouille, il bredouille, il clapote, il barbote, mais il chavire. Avec le bois de son crayon, il se gratte si fort la tête que des sillons rougissent son crâne. Il ne sait pas encore de quelle attaque il va être l’objet, mais il sent si bien qu’il sera sans défense qu’il a peur. Arlette a d’ailleurs toutes raisons de ne plus vouloir aucun atermoiement. Sa pose à la fenêtre est fort incommode. Elle doit se hausser sur le bout des pieds. Ses genoux appuient durement contre le mur. Et la mousse de la pierre se colle à ses coudes. L’ankylose la guette :
— Mon cher monsieur, dit-elle à brûle-pourpoint, assez de détours !… parlons franchement…
— Non, non…
— Si, si… il le faut… Nous ne pouvons pas rester l’un envers l’autre dans cette situation équivoque…
— Je ne comprends pas.
— Une femme est nécessaire dans votre maison. Vous ne le contesterez pas. Vous me l’avez avoué vous-même. Elle est nécessaire pour vous entourer de mille petits soins et de mille prévenances, pour compter votre linge, et pour vous aimer. C’est à elle que vous lirez le soir les poèmes que vous devez