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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

— Je tiens tant à votre bonne opinion !… Ma petite Arlette, vous n’imaginez pas l’influence que vous avez sur moi. Par exemple, je détestais ma vieille ville… Depuis que vous y êtes, je ne la reconnais plus… Elle est métamorphosée…

— Oh ! oh !

— Je ne plaisante pas. Ainsi pour le moment, je ne me figure pas qu’il puisse y avoir sur la terre un coin plus joli pour être heureux que cet enclos, au pied de ce mur, haut comme un rempart…

— Vous devenez lyrique…

— Je ne m’imagine pas qu’il y ait ailleurs des statues plus artistiques, des monuments plus beaux…

— Vous voulez peut-être parler de la gare ?

— Eh ! mais… il ne faut pas la mépriser, cette horrible petite gare de pierres blanches et de briques rouges. Ce matin, justement, j’y suis allé acheter les journaux de Paris. Je pensais à vous en la regardant et je me disais : « Voilà un monument magnifique… »

— Hein ?

— Parfaitement !… un monument magnifique !… N’est-ce pas par son immense salle des pas perdus que vous êtes arrivée de Paris un soir chez vos cousines ? … Vous deviez avoir à la main un petit sac jaune et, dans le cœur, une grosse appréhension… Manteau de voyage, bottine cambrée, haut talon… Le hall vitré a dû en frémir de toutes les fumées de ses locomotives !

— Vous avez de l’imagination ! En réalité, elle est plus que banale, votre gare.

— Je me permets de ne pas partager votre opinion. Elle a des qualités sentimentales que vous ne soupçonnez pas…

— Je serais curieuse de voir ça…

— Rien n’est plus facile… Evoquez-la, un soir. Les salles d’attente sont désertes. Les employés dorment dans les coins. Vous arrivez pour prendre le train.

— Moi ?

— Oui, vous, Arlette… Vous avez eu une journée très chargée… Vous avez quitté vos parents à la fin