veille l’effet produit par son œuvre, comme un auteur dramatique surveille sa pièce au bord des coulisses, ces demoiselles se délectent.
Soudain Marie déclare :
— Mes sœurs, avant que de vous quitter pour vivre sous le toit de M. Hyacinthe, j’ai voulu combler un de vos vœux...
— Vous ? lance Telcide sur un ton qui dénote à quel prix elle évalue l’intelligence de Marie.
— Oui, moi... J’ai obtenu de M. Fleurville qu’il fasse réparer la nochère...
— Ah !
Toutes ensemble, ces demoiselles ont eu la même exclamation. Telcide en avale un raisin de Corinthe qui demeure incrusté dans sa gorge. Elle devient rouge et a des gestes éplorés. On lui présente un verre de vin. Elle le vide. Le fruit passe. Et Marie continue :
— Il n’y aura plus de grandes lignes noires sur le mur de votre jardin, M. de Fleurville ordonnera tous les travaux nécessaires. Cet après-midi, vers deux heures, il viendra lui-même se rendre compte de ce que les ouvriers devront faire...
— Lui-même... ici ?
— Oui.
— Enfin, je triomphe... La lutte aura duré huit ans... Peu importe !... A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire... M de Fleurville s’incline... Il daigne se soumettre... Parfait !... Je ne serai pas intransigeante... J’accepterai la réparation qu’il m’offrira... Je l’accepterai... avec dignité, et non sans ironie, mais je l’accepterai... Allons ! ma bonne Marie, venez dans mes bras... que je vous embrasse... Avec expansion, Telcide colle ses lèvres minces sur le front de sa sœur. Et Rosalie et Jeanne imitent à leur tour son geste de reconnaissance émue. Ernestine prend évidemment part à la joie unanime, mais elle déplore qu’on ne parle pas davantage de son gâteau de semoule...
— Et maintenant, mes sœurs, s’écrie Telcide, dépêchons-nous. Il faut mettre la salle à manger « en état » pour que tout soit en ordre quand arrivera