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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

respectables. Elles comptent parmi nos meilleures amies. Nous les voyons fréquemment. L’aînée, Félicité, boite depuis qu’elle a eu une atteinte. Elle vous amusera. Sur le devant de la bouche, elle n’a plus qu’une dent, qui s’agite chaque fois qu’elle parle.

— On a toujours peur de la voir tomber, ajoute Rosalie en riant comme une petite folle.

— Ajoutez qu’elle porte aux oreilles deux longues larmes de corail, qui sont en perpétuel mouvement. Nous aimons bien nous moquer d’elle, entre nous !

— Sa sœur Caroline est la plus mauvaise langue de la ville. Il n’y a pas un potin qu’elle ne connaisse. Vous remarquerez qu’elle a de faux cheveux qui ne sont pas de la même couleur que ses cheveux véritables…

Arlette ne répond rien, mais elle pense :

— Quel étrange besoin ont ces femmes de chercher les ridicules de leurs amies, alors que celles-ci leur ressemblent comme des sœurs !…

La maison des demoiselles Lerouge est toute proche. On y vient en voisins.

Marie a à peine tiré le cordon de la sonnette que la porte s’ouvre. Pour être si prompte, Mlle Caroline devait être à l’affût derrière son judas. Mlle Félicité s’empresse. Elle glapit :

— Bonjour… bonjour… la voilà donc cette petite Parisienne. En son honneur, entrez dans le salon. On va pousser les persiennes…

— Non, non, intervient Telcide… Vous avez l’habitude de nous recevoir dans la cuisine… Cette enfant n’est pas plus difficile que nous…

Par un long couloir étroit, aux carreaux noirs et blancs, Arlette arrive dans une cuisine largement éclairée, où, sur des planches en étagères, des vieux plats de cuivre et d’étain sont disposés par rang de taille.

Mlle Félicité lui présente une chaise de paille :

— Avez-vous fait bon voyage ?

— Oui, mademoiselle.

— Je suis sûre que vous avez été bien heureuse de retrouver vos excellentes cousines…

— Oh ! oui !…