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Page:Actes du Congrès international de philosophie scientifique - I. Philosophie scientifique et Empirisme logique, 1935.djvu/35

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PHILOSOPHIE SCIENTIFIQUE ET EMPIRISME LOGIQUE I. 31

vations ; et c’est ce procédé non analytique auquel la science doit son succès, au point de vue de l’exploration aussi bien qu’au point de vue de ses applications techniques. C’est en voyant cette structure non analytique que Bacon écrit son Novum Organon, qui voulut dépasser le syllogisme de l’Organon d’Aristote, par la méthode inductive qui nous mène à des connaissances nouvelles. Depuis ce temps, l’idée d’une connexion inductive reste au centre des réflexions épistémologiques ; mais tandis que l’application de cette méthode fait les plus grands progrès dans toutes les sciences, la théorie, l’interprétation de la méthode inductive devient de plus en plus obscure. C’est enfin Hume qui montre qu’il y a ici une énigme épistémologique de premier ordre, qu’il s’agit ici d’une méthode que nous appliquons chaque jour, mille fois, sans les moindres scrupules, tandis que nous sommes incapables de justifier notre confiance en elle.

La réponse sceptique de Hume n’a pas pu ébranler la position des rationalistes. Au contraire, ils se croyaient fortifiés dans leurs positions en voyant qu’il y a des relations non-analytiques auxquelles nous ne pouvons pas renoncer ; et c’est Kant qui fît usage de la découverte de Hume pour construire une nouvelle théorie de l’apriori synthétique — théorie qui donnait à la raison pure un pouvoir plus puissant que ne l’avaient jamais rêvé les rationalistes. Selon Kant, cet a priori synthétique n’est pas borné seulement au principe de l’induction ; toute la mathématique contient des transformations non-analytiques, et nous trouvons donc les vestiges de la raison humaine dans presque chaque idée générale de la science. Dans sa théorie des concepts de l’intuition, des catégories, etc. Kant a érigé un schéma logique pour sa théorie ; et cette théorie de la raison pure a été, depuis ce temps, le noyau de presque tous les systèmes philosophiques, pour autant qu’ils ont été construits par des philosophes purs. Ce furent seulement les hommes de science à cœur philosophique, les philosophes impurs, si l’on peut dire qui refusèrent d’y croire ; mais leur réponse ne s’est produite qu’à des étapes très espacées, au cours d’un développement de plus d’un siècle.

Car le développement de la science, depuis Kant, peut être considéré comme une décomposition constante des fondements du rationalisme ; elle signifie, vraiment, la désagrégation de l’a priori. Cela a commencé avec la géométrie, qui fut enrichie, vingt années après la mort de Kant, de la découverte des géométries non-euclidiennes ; le domaine de l’intuition pure était ébranlé et des physiciens comme Helmholtz en tirèrent la conséquence que l’a priori intuitif n’est plus à retenir. Cette ligne de développement a été reprise, de nos